» Rester Juifs en réponse à l’antisémitisme car tout ce qui touche aux Juifs et au Judaïsme est porteur d’un message et d’une dimension universels. »
Les chiffres de l’antisémitisme des cinq premiers mois de 2015 viennent de tomber et, sans surprise hélas, ils disent les faits dans leur brutalité. 84% d’actes antisémites de plus par rapport à l’an dernier. Une croissance de 59% de la violence urbaine contre les juifs soit, en moyenne, pour cette période, 3 cas par jour.
En mars dernier, la présidente de la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme dénonçait dans son rapport annuel une situation « paradoxale » : « alors que la communauté juive est la minorité la mieux acceptée dans la société française, on assiste à une résurgence des préjugés la concernant. » D’un côté, alors que l’indice de « tolérance » des juifs était en augmentation parmi les sondés, ces derniers répondaient toutefois à 63% que les juifs ont : «un rapport particulier à l’argent» et 37% «qu’ils ont trop de pouvoir en France». Les préjugés anciens ont la vie dure, d’autant plus lorsqu’ils sont savamment entretenus par la bêtise et les antisémites de tous ordres. Raison de plus pour dissocier rapidement les moyens et les actions pour mieux lutter contre le racisme et l’antisémitisme, l’un et l’autre étant très différents.
Menacées ou soupçonnées de mille vilenies, des familles juives entières décident de s’installer là où il ne leur sera pas reproché d’être des Juifs ni des Français. Le droit d’avoir le choix, appartenant à tous, nul n’a le droit de les juger, pas plus que ceux qui font le choix inverse. En dépit des préjugés, des chiffres toujours plus alarmants de l’antisémitisme, les statistiques montrent aussi que le plus grand nombre de nos coreligionnaires choisissent de rester à la fois français et juifs, fidèles à notre double héritage et héritiers du droit fondamental à ne laisser personne décider de notre vie.
Ce droit, de plus en plus nombreux sont ceux qui le considèrent comme un devoir. Devoir de revendiquer notre citoyenneté modèle et devoir de réaffirmer avec solidarité notre judéité originelle. Ce devoir, le Consistoire s’en est fait l’expression active, illustrant en 2015 encore et toujours, la devise et la vocation qu’il s’était choisies voilà deux siècles et jamais démenties : « Patrie et religion. »
A la mesure des enjeux institutionnels, cultuels et culturels à l’échelle française et européenne, face à la montée des périls et avec la fermeté de l’État, le Consistoire s’est refusé à démissionner. Il a décidé au contraire : de créer un mouvement » d’alya intérieure » pour conduire les juifs français à réaffirmer leur identité et redécouvrir leurs racines ; d’anticiper les besoins de ceux qui ont décidé de résister ; de lancer des projets structurants de leadership. Notre objectif est clair : préparer et organiser la relève communautaire, remplacer les olim et impliquer davantage notre jeunesse.
L’Ouest parisien accueille depuis plusieurs années le plus grand flux migratoire juif de la capitale et par conséquent de la communauté juive française, numériquement, la plus importante d’Europe. La décentralisation des universités, l’accroissement du nombre d’étudiants et la pression foncière conduisent les facultés à se délocaliser de plus en plus en périphérie parisienne et le quartier latin qui, hier encore incarnait la vie étudiante, ne concentre plus à lui seul l’excellence ni la majeure partie de la population estudiantine et des équipements universitaires. Il relève de la responsabilité historique du Consistoire de se développer là où la communauté juive s’épanouit et d’adapter ses structures là où elle décroît.
J’ai toujours affirmé que la jeunesse et l’ensemble des activités qui lui sont dédiées sont une priorité pour notre Institution. Nous avons ainsi vocation à accompagner cette jeunesse juive en mouvement dont les lieux d’activités et de vie se fixent de plus en plus prioritairement à proximité de ses quartiers de résidence, à lui offrir les structures qui lui permettront enfin d’avoir des espaces adaptés pour organiser de grandes manifestations. C’est dans le 17e que se bâtit aujourd’hui une nouvelle vie juive, qui récolte les fruits de la mobilité sociale de la génération précédente. C’est là, en l’absence de toute structure juive consistoriale que nous avons choisi de construire le Centre Européen du Judaïsme. Un lieu emblématique d’un Judaïsme confiant et ouvert sur l’avenir où le lien intergénérationnel continuera de se tisser au quotidien grâce notamment à une offre de services de proximité. C’est naturellement là que trouvera son point d’orgue et son nouvel élan le projet jeunesse cher au Consistoire initié au Centre Fleg.
Parallèlement, au cœur du quartier latin, nous souhaitons donner un nouveau souffle au Séminaire israélite de France, le faisant évoluer en un nouveau pôle de jeunesse. Impulsée par son nouveau directeur et la création de l’IFM SAJ (Institut de Formation des Métiers du Secteur Associatif Juif), la mutation du SIF va se poursuivre pour offrir un centre d’activités, de restauration, d’études pour tous et même un internat au coeur de Paris.
Le monde change mais l’antisémitisme reste une constante inquiétante. A ceux qui restent il appartient, quel que soit l’âge ou les compétences, de former une nouvelle relève, toutes générations confondues. A nous de nous mobiliser pour créer et participer au phénomène initié par le Consistoire d’ « alyah intérieure, » de contribuer à la transmission de ce que nous sommes et de faire connaître la richesse et la sagesse de notre patrimoine cultuel et culturel. Face aux antisémites de tous temps et tous lieux, notre réponse a toujours été de rester juifs car tout ce qui touche aux Juifs et au Judaïsme possède une dimension et un destin universels.