La Société d’histoire des juifs de Tunisie avait tenu à marquer la commémoration de la rafle des Juifs de Tunis par les SS le 9 décembre 1942 en alliant mémoire et histoire, cérémonie de recueillement et débats entre historiens, car cet événement peu connu du grand public, illustre la volonté de l’Allemagne Nazie d’effacer toute présence juive non seulement en Europe mais sur tout territoire qu’elle occupait durant la Seconde Guerre mondiale.
Double manifestation dimanche 11 décembre, le matin dans la crypte du mémorial de la Shoah à Paris et l’après-midi projection d’un film et une conférence débat au MAHJ.
Matinée d’exception et d’émotion en présence d’un très nombreux public et de personnalités civiles, militaires et religieuses. Le président de la SHJT M. Claude Nataf a rappelé ce qu’avait été pour les Juifs de Tunis cette rafle menée sous les ordres du colonel SS Walter Rauff, l’inventeur des camions à gaz (chambres à gaz mobiles utilisées sur le front de l’Est) et les autres exactions et sévices menées par la soldatesque Nazi tout au long de leur occupation de la Tunisie : travail obligatoire dans des camps, , rançons, assassinats, viols et enfin des déportations par voie aérienne en avril 1943 peu de temps avant la libération du territoire. Lecture poignante du témoignage de l’une des victimes de cette terrible journée du 9 décembre 1942 et du travail obligatoire qui lui a été imposé comme pour les autres détenus. Le grand rabbin de Paris M. Michel Gugenheim a présidé la partie religieuse de la manifestation et dans une allocution d’une haute spiritualité a montré que l’échec du nazisme réside dans l’adhésion du plus grand nombre aux valeurs de bonté, d’amour et de fraternité qui se dégagent de la tradition spirituelle du peuple juif.
Le souvenir des Juifs de Tunisie morts pour la France au Champ d’honneur a également été rappelé et uni dans les prières d’usage prononcées par le chantre Mikaël Darmon avec celui des victimes du nazisme morts parce que Juifs. Le Chœur de l’Armée française sous la direction de la commandante Emile Fleury a assuré la partie musicale, : Chant des partisans, Requiem en hébreu et la Marseillaise finale. Une douzaine d’enfants de la synagogue des juifs de Djerba à Paris présidée par Bension Houri ont assisté à la cérémonie.
Parmi les personnalités on notait a présence de Monsieur Thierry Laurent représentant la Secrétaire d’Etat aux anciens combattants et à la Mémoire, de Monsieur Roger Karoutchi Vice-président du Sénat, du sénateur Sueur président du groupe d’amitié France-Tunisie au Sénat, de Monsieur Farés Saeb ministre-conseiller à l’Ambassade d’Israël , de mesdames Constance Legrip députée des Hauts-de-Seine,et Jeanne d’Hauteserre Maire du 8ème et de nombreux élus de Paris et des départements limitrophes, du Général Chasboeuf adjoint au gouverneur militaire de Paris, de Joël Mergui et Yonathan Arfi respectivement présidents du Consistoire de Paris et du CRIF, de Claude Bochurberg représentant Les Fils et Filles des déportés juifs de France, de Serge Moati fils de l’un des déportés par avion d’avril 1943, et de nombreux représentants des associations d’anciens combattants, d’anciens déportés et de mémoire.
L’après- midi au MAHJ était consacrée à la condition des Juifs de Tunisie durant la période de Vichy puis à partir de novembre 1942 sous l’occupation du pays par les forces de l’Axe tandis que se déroulait sur le territoire tunisien une guerre de 6 mois pour le contrôle de l’Afrique du Nord.
Une table-ronde présidée par Catherine Nicault, Professeur émérite à l’Université de Reims a réuni Claude Nataf qui a rappelé le contexte historique puis a évoqué des témoignages directs sur la rafle du 9 décembre 1942, Haïm Sadoun de l’Université libre d’Israël sur les découvertes récentes à l’intérieur des archives allemandes et Martino Oppizzi sur les archives italiennes.
Toutes ces nouvelles sources permettent de mesurer l’ampleur et le sort néfaste que les nazis réservaient à la population juive de Tunisie, projets déjoués par la Libération de la Tunisie par les forces alliées le 8 mai 1943 qui a évité ainsi un possible anéantissement programmé comme ailleurs en Europe.
Ce débat entre historiens a été précédé par la projection d’un excellent film historique : « Les Juifs d’Afrique du Nord pendant la Seconde Guerre mondiale » de Claude Santiago et Antoine Casubolo, collection Mémoire de la Shoah sur une idée de Serge Klarsfeld.
Ce film est d’une grande rigueur historique avec d’excellentes images extraites des actualités de l’époque, des archives militaires de plusieurs autres sources est entre coupé de témoignages, le tout commenté au fur et à mesure par des historiens. Il rappelle avec précision ce qu’a été la situation des juifs non seulement en Tunisie mais dans toute l’Afrique du Nord avec pour chacun des trois pays un contexte particulier du fait du débarquement allié en Algérie et au Maroc tandis que l’Axe s’installe en Tunisie. Il éclaire le rôle des Juifs d’Algérie dans le débarquement allié, l’assassinat de l’amiral Darlan, les réserves du général Giraud pour que les Juifs retrouvent leur pleine et entière citoyenneté, les dissensions entre les généraux Giraud et de Gaulle et l’action décisive de ce dernier pour l’abrogation du Statut des Juifs de Vichy.
Un film à recommander pour les jeunes générations qui souvent méconnaissent cette partie de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.
Une journée du 10 décembre 2022 placée sous les signes du souvenir et du rappel d’une page d’histoire particulièrement importante pour éclairer l’action antisémite de Vichy et des nazis.