Le maladroit est- il condamnable ?

Quand on voit une personne qui trébuche devant nous, il est difficile de ne pas esquisser un sourire voire un rire forcé car sa maladresse provoque généralement une émotion incompressible difficile à maîtriser.

 

On a bien tort car celui à qui cela arrive a pu se faire mal mais le regard ironique des autres renforce sa souffrance car à la douleur physique s’ajoute la douleur morale : la honte.

 

Nous savons que la maladresse est un manque d’adresse mais aussi une action, une parole maladroite qu’un homme ou qu’une femme peut connaître dans son existence.

 

Souvent on explique que cette maladresse procède d’un défaut d’apprentissage, d’un manque de ténacité à la tâche, le résultat d’un effort non soutenu.

 

Alfred de De Musset ne nous dit-il pas « tout s’excuse dans ce bas monde hormis la maladresse » pourtant il existe d’autres façons d’appréhender la maladresse.

 

Parmi celles-ci on trouve souvent de gens qui s’essayent à la nouveauté et échouent dans leur tentative, et passent comme dérangeants dans leur volonté d’apporter du changement.

 

Toute innovation provoque de l’inattendu, un choc et inquiète ceux qui sont les adeptes de la routine celle qui rassure parce qu’elle ne demande aucun effort d’adaptation.

 

Il y’a chez le maladroit rarement une volonté de plaire mais plutôt une exigence de sincérité et de vérité de cœur. Si la maladresse constitue un acte non voulu, subi, il existe dans le registre du comique une maladresse volontaire (Charlie Chaplin etc.). Il vient créer du désordre dans une situation absurde ou injuste pour conquérir la justice et rétablir le bon ordre des choses.

 

Dans ce texte nous n’évoquons que la maladresse involontaire.

 

La bévue qui peut être provoquée par la gaucherie peut servir d’exutoire à l’arrogance de ceux qui se contente de juger plutôt que d’agir.

 

La Torah nous conte la création du monde, sa déconstruction par le déluge puis sa reconstruction.  

Les tables de loi ont été données au peuple Juif à deux reprises. Les premières sont brisées par Moise et ce n’est que les secondes qui dureront jusque la fin des temps.

Dans la bible la seconde tentative semble être celle qui dure. S’agit-il peut-être d’un message qui est adressé à l’humanité. Se parfaire nécessite un long apprentissage qui comprend des échecs. Réussir tout de suite parait difficile voire arrogant. A l’image d’un enfant qui en tombant apprend à marcher, maladroit il se relève et marche enfin.

Moise lui-même lorsque D.ieu le missionne pour libérer les enfants d’Israël d’Egypte refuse car il se sait ni homme politique ni bon orateur. Il est bègue. 

Pourquoi D.ieu choisit il comme représentant un homme maladroit dans l’art oratoire ? N’est-il pas un émissaire peu adapté à la situation ?

Le maladroit ne possède-t-il pas une part d’humilité que d’autres ne possèdent pas et qui rend nécessaire de ne jamais regarder l’autre avec hauteur, au-dessus de lui mais à sa hauteur pour être près de lui, avec lui.

Rabbin de Chasseloup Laubat, Aumônier Général des hôpitaux de France, Secrétaire général de l’association des rabbins français.